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THS et risque de cancer du sein
1 Etude E3N : rappel
E3N (Etude Epidémiologique de l’Education Nationale) est une étude de cohorte prospective française de l’INSERM entreprise pour évaluer les facteurs de risque de cancer du sein. La cohorte se compose de 100.000 femmes de la MGEN, âgées de 40 à 65 ans en 1990, date de début de l’étude. Il s’agit donc de femmes françaises traitées par des THS « à la Française ».
2 E3N : résultats
Sur une durée moyenne de 8,1 années en post-ménopause, E3N a étudié 80.377
femmes françaises ménopausées ayant présenté 2.354 cas de cancers du sein (1).
Tableau I. E3N : risque relatif de cancer du sein en fonction du type de THS
Traitement | Risque relatif de cancer du sein |
Estrogènes seuls | 1,29 (1,02-1,65) |
Estrogènes + Progestérone micronisée | 1,00 (0,83-1,22) |
Estrogènes + Dydrogestérone | 1,16 (0,94-1,43) |
Estrogènes + autres progestatifs | 1,69 (1,50-1,91) |
Les dernières données de l’étude E3N confirment les résultats précédents et l’absence d’augmentation du risque de cancer du sein avec les THS associant estrogènes et progestérone naturelle micronisée, même lors de traitements de longue durée (6 ans et plus). De même avec les associations estrogènes et dydrogestérone, on ne retrouve pas d’augmentation significative du risque de cancer du sein, même lors de traitements de longue durée (6 ans et plus) (Tableau I).
Les derniers résultats confirment une élévation significative du risque de cancer du sein avec les THS employant les autres progestatifs avec une tendance à l’augmentation du risque en fonction de la durée.
3 Etude finlandaise (2)
En Finlande, tous les cancers du sein sont enregistrés dans u n registre national. Dans cette enquête de Lyytinen ont été colligés 6.211 cas de cancers du sein chez des femmes de plus de 50 ans ayant suivi un THS estroprogestatif pendant au moins 6 mois. L’estrogène était l’estradiol par voie orale ou en patch. Les progestatifs étaient le NETA (dans 43% des THS), le MPA (30% des THS) ou la dydrogestérone (12% des THS). Plusieurs autres progestatifs étaient utilisés, mais comme pour la progestérone, leurs effectifs étaient insuffisants pour constituer un groupe et permettre une analyse à part.
Cette retrouve une augmentation du risque en fonction de la durée d’emploi du THS, le risque devenant significatif pour 3 à 5 ans de THS. Le risque ne diffère pas entre la voie orale et la voie cutanée. Le risque est plus important avec l’emploi continu du progestatif qu’avec son administration cyclique. Ce qui est très intéressant dans cette étude est la différence de risque suivant le progestatif employé : le risque est augmenté avec le NETA ou le MPA, mais n’augmente pas avec la dydrogestérone même pour les traitements de longue durée : ces résultats corroborent ceux de l’étude E3N que les auteurs, d’ailleurs, citent en référence (Tableau II).
Tableau II : risque relatif (RR) de cancer sein en fonction du progestatif employé.
Il augmente avec le NETA et le MPA, mais pas avec la dydrogestérone.
RR après 6 mois à 3 ans | RR après 3 à 5 ans | |
HS avec NETA | 1,04 (0,94-1,14) | 1,34 (1,17-1,51) |
THS avec MPA | 1,04 (0,93-1,15) | 1,27 (1,09-1,48) |
THS avec dydrogestérone | 1,02 (0,82-1,26) | 1,22 (0,83-1,72) |
4Etude EPIC
Les THS pouvant avoir différents constituants et être administrés suivant différentes modalités, cette étude a recherché s’il existait des différences de risques suivant les modalités de prescription des THS. Les données proviennent des réponses à des questionnaires de 133.744 femmes ménopausées européennes. Un total de 4.312 cancers du sein ont été recensés pendant un suivi de 1.153.747 années-femmes (suivi moyen de 8,6 ans). Tous traitements confondus et comparativement aux femmes qui ne suivent pas de traitement, les femmes sous THS ont un risque augmenté : 1,42 (IC : 1,23-1,64) sous estrogènes seuls et 1,77 (IC : 1,40-2,24) sous THS estroprogestatif. Le risque est plus élevé avec les traitements continus qu’avec les traitements séquentiels. Dans cette étude qui a incorporé des traitements différents, il n’a pas pu être mis en évidence une différence entre les traitements par voie orale et les traitements trans-dermiques et pas de différence entre l’estradiol et les estrogènes conjugués équins (3).
5 La diminution de l’incidence du cancer du sein est-elle due à la diminution de l’emploi du THS ?
La concomitance entre la forte diminution de l’emploi du THS dans différents pays occidentaux et la diminution inattendue de l’incidence des cancers du sein dans ces pays rend plausible une relation entre les deux phénomènes et une contribution de la baisse du THS à la baisse des cancers du sein, d’autant plus qu’elle concerne les femmes de plus de 50 ans et les cancers ER+ (4).
Cependant, un certain nombre d’éléments doivent faire pondérer une analyse univoque et trop simpliste:
- la diminution des cancers du sein aux États-Unis semble trop rapide après les résultats de la WHI pour incriminer la seule diminution de l’emploi du THS et pour certains, cette baisse aurait débuté dès 1999 (5).
- des résultats complémentaires de la WHI ne montrent pas de diminution de l’incidence du cancer du sein 2,4 ans après l’arrêt du THS et vont à l’encontre de ces résultats (6).
- il peut exister une certaine saturation du dépistage. Au début de la généralisation du dépistage, celui-ci va diagnostiquer tous les cancers des femmes habituellement non ou mal suivies et tous les petits cancers infra-cliniques, ce qui entraînera une augmentation inhabituelle et transitoire des cas. Ensuite, une fois ces cancers découverts après la première vague de dépistage, ne seront diagnostiqués que les cancers survenant entre 2 mammographies.
Une intéressante étude norvégienne a mis en évidence, dans un même pays, une différence d’évolution de l’incidence du cancer du sein dans les régions où était organisé un programme de dépistage du cancer du sein et les régions où il ne l’était pas encore. Dans les régions avec dépistage organisé, l’incidence augmente nettement et rapidement après la mise en place du programme puis diminue puis enfin se stabilise. Dans les régions sans dépistage organisé, la progression est régulière et linéaire, sans rupture (7).
- l’arrêt du THS a pu ralentir la croissance de lésions qui finiront par apparaître, mais plus tard.
- en France, il y a eu une diminution de l’emploi du THS, mais aussi, depuis la publication des premiers résultats de l’étude E3N, un transfert des prescriptions vers les THS employant la progestérone naturelle ou son isomère, réputés ne pas augmenter le risque de cancer du sein et vers une réduction des posologies estrogéniques.
On peut se reporter à l’excellente revue publiée en 2010 par Anne Gompel et Geneviève Plu-bureau qui ont analysé les données de plusieurs pays occidentaux, évalué les différents facteurs pouvant intervenir dans la baisse de l’incidence du cancer du sein (THS, contraception orale, sédentarité, surpoids, alcool) et insisté sur l’importance du dépistage (8) ♦
REFERENCES
1 - Fournier A, Berrino F, Clavel-Chapelon F.
Unequal risks for breast cancer associated with different hormone replacement therapies: results from the E3N cohort study.
Breast Cancer Res Treat 2008;107:103-11.
2 - Lyytinen H, Pukkala E, Ylikorkala 0.
Breast cancer risk in postmenopausal women using estradiol-progestogen therapy.
Obstet Gynecol 2009;113 :65-73.
3 – Bakken K, Fournier A, Lund E, et al.
Menopausal hormone therapy and breast cancer risk: impact of different treatments. The European Prospective Investigation into Cancer and Nutrition.
Int J Cancer 2011;128:144-56.
4 - Allemand H, Seradour B, Weill A et al.
Baisse de l’incidence des cancers du sein en 2005 et 2006 en France : un phénomène paradoxal.
Bull Cancer 2008;95(1):1-5
5 - Jemal A, Ward E, Thun MJ.
Recend trends in beast cancer incidence rates by age and tumor caracteritics among US women.
Beast Cancer Res 2007;9(3):R28.
6 - Heiss G, Wallace R, Anderson G et al.
Health risks and benefits 3 years after stopping randomized treatment with estrogen and progestin.
JAMA 2008;299(9):1036-45.
7 - Zahl PH, Strand BH, Maehlen J.
Incidence of breast cancer in Norvay and Swedenvduring introduction of nationwide screening: prospective cohort study.
Br Med J 2004;328:921-4
8 - Gompel A, Plu-Bureau G.
Is the decrease in breast cancer incidence related to a decrease in postmenopausal hormone therapy ?
Ann.N.Y.Acad.Sci.1205 (2010)268-76.