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WHI (Women Health Initiative)
1WHI : rappel
La WHI est une vaste étude randomisée américaine qui a eu pour objectif d’évaluer les risques et les bénéfices de différentes stratégies, diététiques et médicales, pouvant réduire l’incidence des maladies cardiovasculaires, des cancers du sein et colorectal et des fractures chez les femmes ménopausées.
22002 : résultats de la WHI chez les femmes non hystérectomisées (1)
Cet essai THS a enrôlé 16.608 femmes, non hystérectomisées qui ont suivi, soit un THS estroprogestatif combiné continu (0,625 mg/jour d’estrogènes conjugués + 2,5 mg/jour d’acétate de médroxyprogestérone), soit un placebo. Planifié pour durer 8,5 années jusqu’en 2005, l’essai a été prématurément arrêté au premier semestre 2002 après 5,2 années, les risques ayant été jugés supérieurs aux bénéfices, en particulier à cause de l’apparition d’effets cardiovasculaires défavorables et inattendus du THS (Tableau I).
32004 : résultats de la WHI chez les femmes hystérectomisées (2)
Une autre partie de l’étude a concerné 10.739 femmes hystérectomisées traitées par soit par 0,625 mg d’estrogènes conjugués tous les jours, soit prenant un placebo. Il a été interrompu en Février 2004 alors qu’il était aussi programmé pour se poursuivre jusqu’en 2005. Pendant les 7 années de suivi, il a même été constaté une diminution, cependant non significative, du risque de cancer du sein et pas d’augmentation des accidents coronariens par rapport au placebo. Comme dans le groupe estroprogestatif, on a retrouvé une diminution du risque de fracture de hanche mais aussi une augmentation (8 cas pour 10.000 femmes traitées par an, résultat similaire au groupe estroprogestatif) du risque d’accidents vasculaires cérébraux. C’est cette augmentation du risque d’AVC qui a conduit les investigateurs a arrêté l’étude prématurément (Tableau).
WHI : risques relatifs suivant le type de traitement employé
Chez les femmes traitées par estrogènes seuls, il n’y a pas d’augmentation du risque coronarien et une diminution du risque de cancer du sein à la limite de la significativité. Dans les 2 essais, il y a une augmentation significative du risque d’AVC.
RR THS estroprogestatif | RR THS estrogènes seuls | |
K sein | 1,26 (1,00-1,59) | 0,77 (0,59-1,01) |
K colorectal | 0,63 (0,43-0,92) | 1,08 (0,75-1,55) |
Fracture du col | 0,66 (0,45-0,98) | 0,61 (0,41-0,91) |
Risque coronarien | 1,29 (1,02-1,63) | 0,91 (0,75-1,12) |
AVC | 1,41 (1,07-1,85) | 1,39 (1,10-1,77) |
Embolie pulmonaire | 2,13 (1,39-3,25) | 1,34 (0,87-2,06) |
4Controverses
Les résultats de la WHI ont fait l’objet de nombreuses controverses concernant en particulier la population étudiée, les traitements employés (estrogènes conjugués équins et MPA) et l’augmentation du risque cardiovasculaire. En effet, la moyenne d’âge des femmes traitées était élevée : 63,2 ans à l’entrée dans l’étude et 21% des femmes traitées avaient même plus de 70 ans à l’inclusion. Près de 70% des femmes traitées présentaient une surcharge pondérale dont 34,2% avaient un BMI égal ou supérieur à 30, 35,7% étaient traitées pour hypertension, 10,5% étaient fumeuses et 39,9% anciennes fumeuses. Le traitement hormonal employé était à posologie standard, fixe et non modulable.
La différence des résultats entre les femmes traitées par estroprogestatif et les femmes traitées par estrogènes seuls a fait incriminer le progestatif, l’acétate de médroxyprogestérone (MPA) dans l’augmentation du risque de cancer du sein et du risque coronarien.
Dans une partie de leur article consacré aux limites de l’étude, les auteurs, eux mêmes, écrivaient déjà qu’ils n’avaient testé qu’un seul traitement et que ces résultats n’étaient pas forcément applicables à des posologies plus faibles du même traitement ou avec d’autres estrogènes et progestatifs par voie orale ou encore avec des estrogènes transdermiques et de la progestérone naturelle.
5Notion de « fenêtre d’intervention »
En 2006, une réanalyse des résultats de l’étude WHI par ces propres auteurs a fait envisager la notion de « fenêtre d’intervention » (3). Les effets, positifs ou délétères, du THS sur le risque cardiovasculaire pourraient dépendre du timing de son emploi. Les estrogènes auraient un rôle préventif s’ils sont pris dès l’installation de la ménopause avant la constitution des plaques d’athérome. A l’inverse, les estrogènes auraient un effet négatif et aggravant, lorsque le traitement est institué à distance de la ménopause quand les plaques d’athérome sont déjà constituées. Cette notion de timing dans l’instauration du THS pourrait contribuer à expliquer les apparentes contradictions entre les résultats de la WHI et les précédentes études de cohortes qui avaient retrouvé une protection cardiovasculaire sous THS.
En 2008, dans la vaste étude de cohorte au long cours des infirmières de Boston, menée chez 70.000 femmes, F. Grodstein et M. Stampfer ont retrouvé un effet protecteur cardiovasculaire du THS, par estrogènes seuls ou par estroprogestatifs, quand le THS est instauré dès l’installation de la ménopause (4).
6Suivi des femmes hystérectomisées traitées par estrogènes seuls (5)
En Avril 2011 vient d’être publiée dans le JAMA une étude concernant le suivi pendant 10,7 ans de 7.645 femmes hystérectomisées sur les 10.739 qui avaient été enrôlées dans l’étude randomisées WHI par estrogènes seuls. Chez les femmes qui ont suivi un traitement pendant 5,9 années en moyenne, on ne retrouve pas d’augmentation (ou de diminution) des risques cardiovasculaires, de phlébite, d’AVC, de fracture du fémur, de cancer colorectal ou de la mortalité globale.
Les résultats sont plus favorables chez les femmes les plus jeunes.
La diminution de 23% du risque de cancer du sein chez les femmes traitées par estrogènes conjugués équins seuls, déjà trouvée en 2004, persiste mais devient significative : risque à 0,77 (IC : 0,62-0,95) ♦
RÉFÉRENCES
1 - Writing Group for the Women's Health Initiative Investigators.
Risks and benefits of estrogen plus progestin in healthy postmenopausal women. Principal results for the Women's Health Initiative. Randomized control trial
JAMA 2002;228:3:321-33.
2 - Anderson GL, Limacher M, Assaf AR et al.
Effects of conjugated equine estrogen in postmenopausal women with hysterectomy : the Women’s Health Initiative randomized controlled trial.
JAMA 2004;291:1701-12.
3 - Rossouw JE, Prentice RL, Manson JE, et al.
Postmenopausal hormone therapy and risk of cardiovascular disease by age and years since menopause.
Jama 2007;297:1465-77.
4 - Grodstein F, Manson JE, Stampfer MJ, et al.
Postmenopausal hormone therapy and stroke: role of time since menopause and age at initiation of hormone therapy.
Arch Intern Med 2008;168:861-6.
5 – Lacroix AZ, Chlebowski RT, Manson JE, et al.
Health outcomes afyter stopping conjugated equine estrogens among postmenopausal women with prior hysterectomy: a randomized controlled tria.
JAMA 2011;305(13):1305-14.